Le courage et la responsabilité
Saint-Étienne-du-Rouvray, ville meurtrie par l’attaque de son église
L’émotion était à son comble dans cette commune populaire de l’agglomération rouennaise, dans laquelle deux personnes se revendiquant de l’« État islamique » ont assassiné un prêtre et grièvement blessé un paroissien.
L’horreur encore. L’insupportable encore ! Les larmes de l’abominable tuerie de Nice n’ont pas encore séché que le crime a de nouveau frappé la France. Après les symboles de la Révolution française, le soir du 14 Juillet, c’est aujourd’hui l’Église catholique qui est touchée en son cœur. En égorgeant un prêtre, dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray, la nébuleuse du fanatisme assassin, qui usurpe au Moyen-Orient la qualité d’État, assène un nouveau coup de sabre contre la société française.
La répétition macabre de l’horreur sanguinaire qui rythme ce mois de juillet en France, en Allemagne, à Kaboul ou Bagdad soulève le cœur. Elle provoque un effroi aussi légitime que compréhensible. Il ne doit pas émousser notre capacité à raisonner pour réagir de manière juste, efficace et solidaire.
Ce terrorisme ne s’embarrasse pas d’une ligne directrice, d’un seul et même mode opératoire. Cette fois, la cible est précisément choisie pour alimenter la mécanique dévastatrice d’une guerre de religion, pour donner raison aux théoriciens ultraconservateurs d’une prétendue « guerre de civilisations ». La secte des égorgeurs travaille d’arrache-pied à l’implosion de nos sociétés abîmées par un profond malaise. Ses missionnaires savent pouvoir y trouver un écho vengeur à leur funeste entreprise.
Mais Daech n’est ni la rébellion, ni la révolution, c’est la mort ! La France est visée pour ce qu’elle est : une Nation où se côtoient origines variées, athées, libres penseurs et croyants de religions diverses. Cette alchimie est insupportable aux yeux des fanatiques si elle fait la preuve de ses vertus. À chaque coup porté, Daech entend fracturer cet équilibre patiemment construit depuis plus de deux siècles, fortifié par l’idée républicaine et le principe de laïcité.
Dans ce contexte, la dégoûtante surenchère politicienne sur le dos des morts et des principes démocratiques et républicains risque de se payer très cher. Comment un ancien président de la République peut-il avoir l’outrecuidance de qualifier notre droit d’« arguties juridiques »? Les lois et règles de droit font justement de notre République l’antithèse du projet de type fasciste, porté par Daech. Que cette droite haineuse, lancée dans une folle et imbécile course à l’échalote avec l’extrême droite, prenne garde. Elle entre dans la zone rouge de la division qui pourrait faire d’elle l’alliée de cette secte fanatisée qui sème la mort, des salles de spectacles jusqu’aux églises.
Le terrorisme fondamentaliste est un problème majeur dont les solutions sont tout autant géopolitiques, de sécurité intérieure, que sociales et politiques. Le courage et la responsabilité commandent d’assumer cette complexité, au risque de laisser la démagogie progresser, au détriment de tous et au bénéfice du pire.
Les femmes et hommes de paix de par le monde doivent se retrouver pour impulser de nouvelles initiatives politiques et diplomatiques afin d’assécher le terrorisme. Des actes pour la reconstruction et le co-développement doivent être pris sans attendre. Les forces progressistes ont la responsabilité d’opposer au terrorisme un nouvel internationalisme de progrès social et environnemental. Le besoin de développement humain, de services publics de l’éducation, de la culture ou de la sécurité doit surpasser d’urgence l’austérité. C’est à un pacte de solidarité et de fraternité qu’il faut travailler.
Éditorial de Patrick Le Hyaric (Journal L’Humanité du 27 juillet 2016)