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Inauguration du monument en hommage aux morts de Mers El Kebir – 05/07/2025

Discours prononcé par Eric Guellec, représentant François Cuillandre, Maire de Brest.

 

Madame la Ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants,

Monsieur le préfet du Finistère,

Monsieur le préfet maritime de l’Atlantique,

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le commander Alex Westley,

Monsieur le président de l’Association des Anciens Marins et des familles des victimes de Mers el Kebir

Mesdames, messieurs,

 

Nous sommes réunis aujourd’hui pour inaugurer ce mémorial érigé à la mémoire des près de 1 300 marins français morts à Mers el-Kébir, les 3 et 6 juillet 1940, dans la baie d’Oran.

 

Ce drame, inscrit dans l’histoire de notre Marine nationale et dans notre mémoire nationale, reste une blessure profonde. Une blessure longtemps mal comprise, que notre devoir est aujourd’hui de regarder en face, avec lucidité et respect.

 

Le 3 juillet 1940, à l’heure où la France venait de subir la défaite et entrait dans l’ombre de l’armistice, des marins français ont été frappés par des tirs venus, non de l’ennemi, mais de nos alliés britanniques. L’opération « Catapult », ordonnée par Winston Churchill, visait à empêcher que la flotte française ne tombe aux mains de l’Allemagne.

 

Mais elle s’est soldée par un tragique malentendu entre nations alliées : près de 1 300 marins français périrent, sur les cuirassés Bretagne, Dunkerque, Provence, Strasbourg. Mais également sur les Mogador, Terre-Neuve, Armen, Esterel et Rigault de Genouilly.

 

Parmi eux, des hommes jeunes, pour beaucoup originaires de Brest, Toulon, Lorient, Rochefort ou Bizerte. Des marins formés pour la plupart ici, à Brest. Des visages, des noms, que cette stèle vient aujourd’hui rappeler à notre souvenir, un à un.

 

Parmi eux, il y avait André Jaffré, matelot de 18 ans. Il est l’un des rares rescapés du cuirassé « Bretagne ». Il est l’un des témoins du drame de Mers-el-Kébir.

Au matin du 3 juillet 1940, une semaine après l’armistice, à bord de la flotte française amarrée près d’Oran, le bruit court soudain que les Anglais sont au large. André Jaffré s’exclame : ça y est, les anglais sont là ! Ils viennent nous chercher pour continuer le combat contre les allemands. C’est formidable ! »  Puis, tout change. Il entend parler d’ultimatum, de négociations, de concessions et de refus.

Peu avant 17 heures, commence « la tuerie la plus effroyable qu’à l’âge de 18 ans je vais connaître », raconte-t-il. « Un obus de gros calibre a traversé le pont. C’est la panique, je manque d’air. Les flammes se font de plus en plus gigantesques. Mon pantalon commence à bruler. », « Je m’accroche comme je peux aux pièces métalliques du canon. Le BRETAGNE prend de la gîte par bâbord. Nul doute, on coule. Une nouvelle salve atteint le navire. Les explosions se font de plus en plus fréquentes et rapprochées. Je n’entends plus rien, je deviens sourd, je suffoque et je vais mourir là, coincé à mon poste de combat (…). Pourquoi, mais pourquoi nous tuer ? Je regarde autour de moi. Je ne vois plus personne, tout le monde a disparu. Que se passe-t-il donc ? »

L’incompréhension est totale pour ces marins.

 

Mesdames et Messieurs,

 

En ce 5 juillet 2025, 85 ans après les faits, nous leur rendons hommage. Ce mémorial est un appel au souvenir. Il nous redit à quel point la guerre engendre le chaos et la douleur.

 

Ce mémorial est aussi un appel à la réconciliation. Pardonner sans oublier, c’est le difficile équilibre qui nous permet d’avancer après un terrible chaos. André Jaffré et l’Association des Anciens Marins et des familles des victimes de Mers el Kebir ont œuvré pour cela. Je les en remercie.

 

Après l’accueil à Brest à plusieurs reprises depuis 2006 de délégations composées d’ambassadeurs et d’anciens marins Britanniques venus se recueillir devant la tombe du marin inconnu dans le cimetière de Kerfautras, c’est dans une même volonté de réconciliation que nous inaugurons aujourd’hui ce Mémorial. Et je remercie Monsieur le commander Alex Westley, représentant l’ambassade de Grande-Bretagne en France, d’être ici avec nous.

 

Puisse cette stèle traverser les générations et marquer dans le fer et les esprits l’empreinte des marins tombés à Mers el Kébir. Puisse-t-elle aussi être le symbole des réconciliations entre les peuples qui, malgré les pires horreurs, j’en suis sûr, sont toujours possibles!

 

Je vous remercie.

 

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