Eric Guellec, adjoint au maire de la ville de Brest, est intervenu lors des débats liminaires du conseil municipal du 14 décembre. « La culture, les arts et l’éducation populaire sont essentiels à notre société »
« Monsieur le Maire, mes chers collègues,
Demain, mardi 15 décembre, les théâtres, les salles de spectacles, les salles de cinéma, les musées, les salles de concert, tous ces lieux de cultures – espaces de vivre-ensemble, de construction de la liberté, d’émancipation donc – n’ouvriront pas.
C’est ce qu’a annoncé, la semaine dernière, le premier ministre, justifiant ces nouvelles restrictions par les raisons sanitaires d’une courbe des contaminations qui repart à la hausse, et laissant par ailleurs planer le doute sur une réouverture en janvier.
Cette décision suscite incompréhension et colère chez les acteurs culturels brestois.
Elus communistes, nous partageons ces sentiments à plus d’un titre.
Nous savons que les professionnels du spectacle vivant, du cinéma, les acteurs associatifs culturels de notre ville, ont été particulièrement vigilants au respect des consignes sanitaires qu’il s’agissait d’appliquer pendant la dernière période d’ouverture.
Nous savons aussi qu’ils ont tout mis en œuvre ces dernières semaines pour assurer la sécurité du public lors de la réouverture initialement prévue demain.
Cette réouverture n’aura pas lieu ce mardi et nous le regrettons.
Ces derniers mois, les acteurs culturels brestois ont su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation : je pense par exemple au festival du Film Court dont les organisateurs ont dû faire évoluer le format de l’édition en un temps record. Ce fut également le cas à Océanopolis pour la Nuit des chercheurs. Deux exemples parmi d’autres.
Mais aujourd’hui, après des mois d’activité ralentie voire inexistante et la décision unilatérale du gouvernement de reporter l’ouverture des lieux culturels, l’addition pour le secteur est lourde.
Nous voulons à notre tour alerter sur le grave danger auquel est confronté le monde culturel.
Ce sont de nombreux salariés, intermittents du spectacle, techniciens, artistes, de nombreuses compagnies, associations, qui sont, aujourd’hui, très sérieusement menacées.
Sur ce point, les aides spécifiques de l’Etat en direction de la culture s’avèrent bien insuffisantes au regard de l’ampleur de la crise et du sinistre que le secteur subit.
La culture, les arts, mais on peut y ajouter l’éducation populaire, le sport, l’animation sont pourtant le noyau dur du vivre-ensemble.
Ils sont un bien commun précieux, dans le sens où ils ouvrent en grand, à chacun et à chacune, les chemins de la liberté et de l’émancipation.
Pour nous, ils sont tout à fait essentiels à notre société.
A la ville de Brest, il est donc notre devoir d’en soutenir, promouvoir, accompagner, toujours, les acteurs locaux.
C’est ce que nous faisons depuis le début de la crise sanitaire.
Notre collègue Réza Salami, Adjoint à la politique culturelle, l’a justement souligné lors du dernier conseil municipal.
Je veux insister sur la nécessité de ce soutien au vivre ensemble, réaffirmé dans différentes délibérations de ce conseil aujourd’hui.
La période que nous traversons malmène, par la force des choses, les liens entre nos concitoyens. Elle provoque isolement social, repli et détresse chez un certain nombre d’entre eux.
Ces situations difficiles sont néfastes pour notre société et pour nos concitoyens.
Elles devront ces prochains mois, ces prochaines années continuer à être au cœur de nos préoccupations.
En soutenant la culture, les arts, l’éducation populaire, le sport, l’animation, notre volonté est de réaffirmer la place à part qu’ils occupent sur notre territoire, comme richesse, comme vecteur du vivre-ensemble et de cohésion de notre ville mais aussi de notre agglomération.
C’est la culture sous toutes ses formes qui nous rend partie prenante de toute l’humanité et qui nous ouvre l’esprit à la dimension du monde.
Comme l’affirmait d’ailleurs l’historien communiste Antoine Casanova : « L’appropriation des dimensions esthétiques de la culture constitue une richesse dont l’absence est mutilante pour les citoyens ».
Il s’agit bien de permettre à nos concitoyens de s’enrichir mutuellement, de partager et de construire des projets.
Dans cette période difficile, les acteurs culturels ont de plus à subir la prédation insupportable des grands groupes globalisés, qui tentent par tous les moyens de tirer profit de la crise pour faire main basse notamment sur le secteur culturel.
Et, malheureusement, on sait trop que les grands chambardements sociaux, économiques et politiques sont toujours une occasion pour les ultralibéraux d’essayer de nier toute perspective progressiste alternative et d’imposer un modèle de société – le leur – où tout deviendrait marchandise, y compris la culture et je dirais même : en premier lieu, la culture.
Car c’est bien elle qui, en donnant toute sa place à l’imaginaire, construit et rend libre.
Ces grands groupes mondialisés, et cela dépasse bien sûr les pouvoirs de notre conseil municipal, doivent pour le moins être mis à contribution de manière extrêmement drastique et coercitive dans le règlement financier de la crise et devrait prendre part de façon significative à l’effort de solidarité nationale.
Le vivre-ensemble et tout ce qui y contribue ne sauraient être une variable d’ajustement de l’épidémie.
C’est notre responsabilité collective d’élus locaux.
C’est cette ambition qui a guidé l’action de notre majorité lorsqu’elle a pris des mesures d’accompagnement d’urgence ces dernières semaines et ces derniers mois.
C’est également, le sens de notre programme, dont l’application va nous permettre d’être au rendez-vous de ces attentes et de renforcer le vivre-ensemble ces six prochaines années.
Comme souvent, en temps de crise et au plus fort des secousses, c’est la vie associative, la vie culturelle, le sport qui ont maintenu réelle et vivante notre capacité à vivre et à agir ensemble, à faire société.
Et si l’épidémie et ses effets semblent aujourd’hui fragiliser ce qui constitue ces vecteurs, élus communistes, nous n’avons aucun doute quant au fait qu’ils occupent et qu’ils occuperont une place centrale dans la résilience de notre société.
Ils sont et seront, ces prochains mois, un enjeu essentiel de la reconstruction d’un projet de société émancipateur.
Je vous remercie. »