Durant le dernier conseil municipal, Mathilde Maillard, adjointe au maire en charge de la politique du bien vieillir et de l’inclusion des personnes en situation de handicap, est intervenue sur la délibération 71.
« Monsieur le Maire, chers collègues,
Le mode de gestion de la restauration collective municipale de notre ville fait l’objet d’une délégation de service public de type affermage, un choix ancien car reconduit à chaque échéance contractuelle depuis 1984.
Le contrat actuel, conclu avec la SBRS, filiale de SODEXO, pour une durée de cinq ans, arrive à échéance à la fin de l’année scolaire 2022.
Afin de préparer cette échéance et à la demande du groupe des élus communistes, notre équipe municipale a mené ces derniers mois une réflexion sur le mode de gestion le plus à même de répondre aux objectifs de politiques publiques que nous nous sommes fixés pour ces prochaines années et aux défis sociaux, écologiques, démocratiques d’aujourd’hui et de demain.
Avec cette délibération, nous nous situons à une première étape du processus, celle du choix du mode de gestion.
Cette délibération nous propose la reconduction du principe d’une délégation de service public (DSP) pour gérer le service de la restauration collective municipale, et plus précisément la fabrication et la livraison de repas pour la restauration périscolaire et extrascolaire de la Ville ainsi que le portage de repas à domicile du Centre Communal d’Action Sociale.
Vous connaissez la position du groupe des élus communistes sur le sujet. Nous avons eu l’occasion de la réaffirmer à plusieurs reprises, lors de l’élaboration de notre programme municipal, lors des débats qui se sont tenus ces derniers mois au sein du groupe de travail, lors des examens et prises d’acte du rapport annuel de notre délégataire.
Nous la renouvelons ce soir : le groupe des élus communistes est favorable à une remunicipalisation et à un retour en régie directe du service de la restauration collective municipale. A l’image (même si la forme juridique diffère quelque peu) de ce que nous avons entrepris ensemble à Brest métropole il y a quelques années avec la création de la Société Publique Locale Eau du Ponant : un acte fort de résistance à la mainmise du privé, un acte de reconquête de la propriété, de la gestion et du contrôle publics dans le secteur de l’eau et de l’assainissement.
Un mouvement de réappropriation démocratique que les communistes souhaitent étendre.
Re-municipaliser la restauration collective donc, et ce pour plusieurs raisons…
Premièrement, re-municipaliser pour reprendre le contrôle face aux intérêts privés que portent et défendent les grands groupes de la restauration collective. Nous pensons que s’il est bien l’un des enseignements à tirer de la crise sanitaire, c’est celui des risques de la dépendance des administrations publiques au secteur privé. La gestion d’un service public par un opérateur privé expose en effet les collectivités à un risque de défaillance ou de dégradation du service si la société gestionnaire fait face à une érosion de ses profits, à des difficultés financières ou même à une faillite.
Dans une DSP, c’est certes le délégataire qui supporte le risque d’exploitation mais est-ce vraiment une bonne chose ? Qui plus est dans la période de crises et d’instabilité économique que nous traversons.
A l’inverse, la crise de COVID-19 a confirmé la solidité et la qualité du service public local, elle a démontré toute son utilité et son efficacité pour répondre aux besoins immédiats des habitants. C’est notamment grâce aux services publics, aux agents publics, que notre société a pu, en dernière instance, tenir debout. Ils sont l’épine dorsale de notre société et je souhaite apporter le soutien du groupe des élus communistes aux revendications des agents des trois fonctions publiques qui se sont mobilisés mardi dernier partout en France à l’appel des organisations syndicales pour défendre l’augmentation du point d’indice et dénoncer le démantèlement de leur statut.
Deuxièmement, re-municipaliser pour renforcer la participation et le contrôle démocratiques. Re-municipaliser permet en effet d’améliorer le contrôle démocratique de l’outil de travail avec la mise en place de nouveaux mécanismes qui vont dans le sens d’une responsabilisation accrue, d’une meilleure transparence et d’une gouvernance davantage participative, notamment avec les agents et les représentants des usagers. Le retour en régie directe aurait ainsi comme bénéfice pour la Ville une maitrise démocratique totale et directe du service.
Sur cette question du contrôle démocratique, il est à noter que dans le contrat actuel la Ville ne dispose pas de siège d’élu censeur dans la société dédiée car il n’y a pas de conseil d’administration du fait de la forme sociale de l’entreprise. Cela pose à nos yeux une question démocratique d’importance, à laquelle le délégataire n’a pas répondu ces cinq dernières années malgré nos discussions précontractuelles et à laquelle la délibération actuelle ne saurait non plus répondre de manière totalement satisfaisante. Il y est proposé la possibilité d’introduire un contrôle citoyen (censeur ou observateur). C’est une avancée mais quid, M. Le Maire, mes chers collègues, du pouvoir de contrôle démocratique de notre conseil municipal et de sa représentation au sein de la société chargée d’exécuter le contrat ?
Nous avons en tête les règles de déport demandées par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique aux élus locaux pour prévenir les conflits d’intérêts. Nous partageons, M. Le Maire, votre analyse et vos questionnements sur le sujet. Mais nous posons aussi la question suivante : un retour en régie directe du service public municipal de la restauration collective n’aurait-il pas le mérite de simplifier les choses et d’écarter définitivement le risque sur ce point ?
Troisièmement, re-municipaliser car le service public rendu par des agents du secteur public est non seulement de meilleur qualité mais il est aussi économiquement avantageux par rapport à une externalisation vers une entreprise privée dont l’objet est avant tout de réaliser du profit.
Il n’est pas démontré aujourd’hui qu’un retour en régie directe « coûte » plus cher à une collectivité. C’est même l’inverse à moyen-long terme. Rappelons que nous laissons chaque année au délégataire environ 4% du volume d’affaire en frais de sièges et de structures : un exemple parmi d’autres d’évaporation d’argent public vers le privé. Les sociétés du secteur travaillent dans une logique de maximisation des profits et cela a tendance à favoriser la diminution des coûts au détriment de la qualité.
Par contre, il est démontré que les collectivités ayant entrepris le choix d’un retour en régie directe ces derniers années ont renforcé et amélioré le service rendu.
Grâce à de nouveaux investissements publics dans les équipements et infrastructures, grâce aussi à l’emploi public et à l’amélioration des conditions de travail.
Un chantier d’ampleur à mener, certes, sur l’organisation, sur la reprise des compétences, sur les ressources humaines mais qui est largement à notre portée. Les collectivités l’ayant entrepris sont nombreuses et s’inscrivent dans un large mouvement de remunicipalisation à l’œuvre : Avignon, Paris, Montreuil, Nice.
Enfin, une dernière remarque sur les objectifs et les caractéristiques identifiés et repris dans la délibération : la qualité de l’assiette, la suppression du plastique (obligation de la loi EGALIM), le soutien à la filière locale, le contrôle du contrat ou encore la lutte contre le gaspillage.
Bien sûr, ces objectifs nous les partageons et nous souhaitons d’ailleurs poursuivre le travail mené avec l’Assistance à Maitrise d’Ouvrage afin d’aller le plus loin possible et aboutir à un cahier des charges exigeant sur tous ces points.
Mais la question que pose cette délibération est bien celle du choix du meilleur mode de gestion. Elle est donc de juger si une remunicipalisation et un retour en gestion directe du service entre autres nous permettrait de mieux répondre à tous ces objectifs.
Pour le groupe des élus communistes, la réponse est assurément oui.
La régie directe offre des avantages indéniables et côche toutes les cases des objectifs que nous nous sommes collectivement fixés : elle renforce l’économie et l’agriculture locales, elle promeut l’emploi public, elle dispense un service public de qualité pour tous, elle constitue un levier face à l’urgence climatique et dans les politiques de santé publique, elle garantit un contrôle démocratique direct et total ainsi qu’une transparence de gestion, elle favorise les coopérations publiques.
En conséquence et sur la base de ces éléments, nous voterons donc contre la délibération 71 qui propose la reconduction d’une délégation de service public comme mode de gestion de la restauration collective municipale.
Monsieur le Maire, chers collègues, je vous remercie. »