Latifa-Ibn-Ziaten

Polémique autour du burkini : l’expression de Latifa Ibn Ziaten

Musulmane pratiquante, Latifa Ibn Ziaten plaide pour la tolérance, défend la laïcité et revendique la liberté de porter le foulard. Son but est de nouer le dialogue entre communautés grâce à l’association qui porte le nom de son fils, Imad Ibn Ziaten, pour la jeunesse et pour la paix. Alors que le débat sur le port du burkini continue d’agiter la France après les mesures prises par plusieurs maires de stations balnéaires, elle livre son sentiment. Extrait de l’interview de Marie-Adélaïde Scigacz pour France Télévisions, publié le 27 août 2016 :

Comment vivez-vous cette polémique sur le burkini ?

Je suis étonnée de voir quelque chose d’aussi anodin prendre tellement d’importance. Mais je m’interroge : où est la liberté ? Il y a donc des personnes en France qui ne jouissent pas de la même liberté que les autres, puisqu’il s’agit d’interdire un espace à des citoyennes ? Les femmes en burkini qui veulent profiter de la plage ne sont pas responsables de tout ce qui se passe aujourd’hui, mais ce sont elles qui sont encore stigmatisées. Moi-même, je nage comme cela, alors cela m’a touchée. Je suis choquée de voir des policiers arrêter une femme à la plage pour lui demander de se déshabiller. Cela revient à priver les femmes d’un choix, alors que le simple fait qu’elles soient à la plage fait d’elles des femmes libres et courageuses. C’est juste un loisir ! Il faut leur laisser leur chance au lieu de les humilier.

(…) Une femme qui adhère à l’idéologie de Daech, ce n’est pas à la plage que vous risquez de la trouver. Il est hors de question pour ces personnes de se baigner ou bien d’aller à la plage. Avec ou sans burkini.

Les détracteurs du burkini estiment qu’en raison du contexte actuel – attentats, menace terroriste -, porter un vêtement qui témoigne d’une appartenance religieuse relève de la provocation. Comprenez-vous cet argument ? 

Il y a de la peur en France et les gens sont méfiants après le traumatisme des attentats. Mais le foulard ou le burkini ne présentent pas de danger pour la société, que ce soit en Europe, au Maghreb ou ailleurs. Le danger n’est pas dans le voile. Le danger, c’est la pauvreté morale, le manque d’éducation, le manque de respect… Hélas, il y a une minorité de gens qui ne connaissent pas l’islam et qui ont peur de ce qu’ils voient dans les médias. Moi qui porte le foulard, je le vois bien quand je prends le train ou quand j’arrive dans un hôtel. Les gens me regardent, se méfient. Je veux leur dire que quelqu’un qui porte le foulard, comme quelqu’un qui porte la kippa, n’est pas dangereux, mais juste une personne avec des convictions religieuses et qui doit être respectée. Au même titre que n’importe qui.

(…) Rester bloqué sur la question du foulard ou du burkini empêche de s’attaquer aux vrais problèmes de la société. C’est ça qui est terrible. Il ne faut pas tomber dans ce piège.

Quelle est la priorité alors ? 

Il faut avant tout établir de la confiance. Donner de l’importance à l’autre. Être à l’écoute, c’est primordial. Les jeunes que je rencontre dans les quartiers, personne ne les écoute. Leurs parents ne sont pas écoutés non plus. Il y a un énorme travail à faire pour rétablir le dialogue avec ceux qui sont le plus dans le besoin. Il faut aimer et respecter cette jeunesse qui se sent rejetée car, à force d’interdictions, on continue à mettre davantage de personnes de côté. Depuis 20-25 ans, toute une partie de la population est mise à l’écart. Pour y remédier, il faut donner la priorité à l’éducation, suivre les jeunes de la maternelle au lycée, afin d’être certains qu’ils soient blindés pour réussir dans la vie.

Lire l’interview complète de Latifa Ibn Ziaten